LA FAMILLE en philosophie (1)


Problématique


Depuis l’introduction du divorce en France à la fin du 19e siècle, les lois et les mœurs publiques n’ont cessé de transformer la vie familiale. À la fin du 20e siècle, contraception et avortement sont légalisés. On en est aujourd’hui au mariage entre personnes de même sexe. La structure familiale, dit-on, a évolué, et doit évoluer. Les institutions familiales connaissent aujourd’hui un bouleversement sans précédent. Quel est leur avenir ?

Cette évolution est-elle une libération de conditionnements et de contraintes hérités du passé ? L’homme va-t-il se dégager de plus en plus d’un carcan imposé à la nature par des préjugés sociaux, religieux ?

En ce domaine comme en d’autres, la mise en question totale d’une institution oblige à revenir aux principes, et ne permet plus de se contenter de solutions toute faites, ni d’habitudes simplement acquises. Nous proposons ici une approche purement naturelle et politique, sans appel à la Révélation chrétienne ni à aucune religion. La sagesse du Christianisme et de la Tradition de l'Église n’en apparaîtront que mieux.





Nécessité de la famille en général

Nature sociale de l’homme


Pour comprendre la nécessité naturelle de la famille, il faut partir d’une vérité reconnue par tous, mais dont on ne saisit pas toujours toutes les implications : l’homme est un ‘animal social’. C’est une expérience universelle, aussi vieille que l’humanité. L’homme ne vit pas en solitaire. Certaines espèces d’insectes sont aussi des animaux sociaux. Certains mammifères et certains oiseaux vivent aussi en groupe, mais social dit plus que grégaire. Les animaux sociaux constituent des communautés structurées de manière très précise. Mais si l’on accorde que l’homme se distingue essentiellement des abeilles et des fourmis, non seulement par la constitution de son corps et son mode de vie, mais encore et surtout par ses facultés rationnelles (intelligence et volonté), on comprendra que la société humaine est aussi essentiellement différente d’une ruche ou d’une fourmilière. Au lieu d’être poussé par un instinct aveugle, l’homme est conscient, libre et maître de ses actes. S’il y a en lui un instinct social, qui le conduit à vivre uni à ses semblables, il a aussi le pouvoir de donner à la société dans laquelle il vit diverses formes, et de changer celles-ci au besoin. De cette liberté découle encore le pouvoir de choisir les hommes avec qui il va mener cette vie sociale. À la différence des sociétés animales, d’ordinaire plus ou moins prédéterminées, les sociétés humaines sont diverses, multiples, imbriquées les unes dans les autres, et l’histoire manifeste leur évolution, quel que soit le jugement que l’on porte sur celle-ci.

Voir notre article : L’homme : naturellement social et politique.


Liberté conditionnée


Toutefois, cette grande liberté que possède l’homme dans la constitution des structures sociales et dans le choix des ‘partenaires’ avec lesquels il partage sa vie, n’est pas illimitée. L’homme ne choisit pas la société dans laquelle il naît. Il ne peut mettre en œuvre cette liberté que progressivement, petit à petit, et il ne peut échapper à un certain conditionnement, malgré toutes les facilités de communications et de déplacement dont il peut jouir par ailleurs.

Parmi ces conditionnements auxquels l’homme ne peut échapper, le tout premier est celui de la famille. La structure et l’extension de la famille a pu varier dans l’histoire et ne cesse de varier aujourd’hui ; mais la famille est toujours là sous une forme ou sous une autre. L’homme est membre d’autres sociétés : économiques, culturelles, religieuses, politiques. Mais ces sociétés sont beaucoup plus vastes que la famille. Sans sa famille au sens le plus strict, l’homme se trouve rattaché immédiatement à de grands ensembles. Ceci est parfois inéluctable, mais l’homme ne laisse pas que d’en souffrir, et de tenter de se rattacher à une famille ou à quelque communauté semblable, peu nombreuse. Être seul, vraiment seul, au milieu d’un ensemble de plusieurs centaines ou milliers d’hommes, est difficilement supportable. C’est malheureusement ainsi que vivent beaucoup d’hommes aujourd’hui : il ne faut pas s’étonner des problèmes psychologiques et sociaux qui en découlent.





La famille apparaît tout d’abord comme une cellule de base, et ce dès la première enfance : une communauté restreinte à quelques individus vivants ensemble. Ce petit nombre permet une communication personnalisée et intime, une entraide individuelle et rapprochée, que les collectivités n’autorisent pas. La communauté de vie à petite échelle permet aux individus de se connaître intimement, d’être davantage disponibles les uns à l’égard des autres, de percevoir les nécessités primordiales et les aspirations profondes, non seulement communes mais aussi plus personnelles, de ressentir enfin - ou de subir - de manière plus immédiate les conséquences de la conduite de chacun : soit approbation et encouragement, soit au contraire, sanction des désordres de toute espèce.