Dimensions de la Cité
Accessoirement, quelques considérations du De Regno donnent des éléments de réflexion au sujet des dimensions idéales de la Cité.
Au temps de saint Thomas, on pouvait considérer que la Cité - incluant la campagne environnante - comportait tout le nécessaire pour la vie humaine, industries et œuvres de civilisation incluses. Les villes ne se regroupaient en provinces que pour assurer leur défense. Saint Thomas dit de même dans son Super Matthaei Evangelium [1].
Les transformations actuelles du monde rendent cette vue quelque peu caduque, mais les principes demeurent : la Cité, au sens plein, est la communauté auto-suffisante. On peut certes se demander quelle est aujourd’hui cette Cité.
Faut-il l’élargir aux dimensions de l’Europe ou du monde ?
La Cité antique était réduite aux dimensions de la ville et de la campagne environnante. Ne faut-il pas aujourd’hui dépasser les États nationaux par l’Union Européenne et même le monde et viser à l’établissement d’une Cité et d’un gouvernement mondial ?
Aristote donne des éléments de réponse : la grandeur de la Cité doit être suffisante pour l’autarcie, mais pas plus.
« Quelle est la limite après laquelle commence l’excès, il est facile de le voir d’après les faits. Car les actions de la Cité sont, d’une part, celle des gouvernants et, d’autre part, celle des gouvernés, et la fonction du gouvernant c’est de donner des ordres et de juger. Mais pour juger en matière de procès et pour distribuer les magistratures selon le mérite il est nécessaire que les citoyens se connaissent mutuellement, connaissent leurs qualités, parce que là où il se trouve que ce n’est pas le cas, nécessairement ce qui touche aux magistratures et aux procès va mal. Car dans ces deux domaines il n’est pas juste d’agir sans réfléchir, ce qui, manifestement, se produit avec une trop grande masse de gens. De plus il est facile aux étrangers et aux métèques d’usurper le droit de cité, car il n’est pas difficile de passer inaperçu du fait du nombre excessif de citoyens. Dès lors il est évident que la meilleure limite pour une cité c’est le nombre maximum de citoyens propre à assurer une vie autarcique et qu’on peut saisir d’un seul coup d’œil. » [2]Retenons-en qu’à tous les degrés il faut que puissent s’établir des rapports personnels. Cela n’exclut pas le grand nombre par mode de fédération, où les chefs et magistrats puissent se connaître personnellement à chaque degré hiérarchique. Mais cela exclut la globalisation anonyme.
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[1] Thomas d'Aquin, Super Mat.12, lectio 2, n°1011
[2] Aristote, Politique, VII, c.4