La médiation du Christ dans la doctrine spirituelle de Hadewijch d’Anvers

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Bien qu’Hadewijch expose longuement la communion mystique entre l’âme et la Trinité, fortement inspirée par saint Bernard, elle n’ignore pas la nécessité de la médiation de l’humanité du Christ pour atteindre la divinité. Dans la première vision elle fait dire au Christ : « Puisque tu es un être humain, vis dans l’exil de la condition humaine, je veux être vécu par toi parfaitement dans toutes les vertus terrestres afin que tu ne me cèdes en rien. » (Vision 1)
On ne peut atteindre Dieu qu’en imitant le Christ et en participant à sa Passion. « Nous voulons bien être Dieu avec Dieu, mais Dieu le sait, peu d’entre nous veulent être hommes avec son Humanité, porter sa croix, être crucifiés avec lui et payer jusqu’au bout la dette de l’humanité. […] Voilà comment nous nous perdons de toute manière ; nous ne vivons pas avec le Christ ni ne portons la croix avec le Fils de Dieu, […] Les personnes qui vivent comme je viens de le dire, même si leur conduite paraît élevée aux yeux du prochain, leurs œuvres manifestes et glorieuses, leur vie loyale et sainte, ordonnée et ornée de toutes vertus, ne plaisent guère à Dieu, car elles ne restent pas debout jusqu’au terme ni ne cheminent jusqu’au but. […] Elles ne restent point debout ni ne vont jusqu’au but : elles ne meurent pas avec le Christ. […] La croix que nous devons porter avec le Fils du Dieu vivant, c’est le doux exil qui nous est imposé à cause du juste amour, dans lequel nous devons attendre avec un pur abandon et de saints désirs le temps nuptial où l’amour se révélera lui-même, » (Lettre 6)

La dévotion au Christ s’explicite dans la dévotion au Sacré-Cœur qui est déjà suggérée : « Ah ! Sa douce injonction et son cœur ouvert leur fait enjoindre Dieu à leur tour, qu’il leur accorde fruition. Les riches merveilles qui s’écoulent pour eux de son cœur inépuisable, leur inspirent des désirs au-dessus de toute raison et les fait brûler d’un feu inextinguible. » (Lettre 22)

La conséquence est la dévotion à l’Eucharistie. Les première et troisième visions surviennent à l’occasion de la réception du sacrement. Dans la Vision 7 Hadewijch reçoit le sacrement directement de la main du Christ, et c’est alors qu’ « Il me prit tout entière dans ses bras et me serra contre lui de telle sorte que tous mes membres sentaient les siens tant qu’il leur plaisait et comme mon cœur et mon humanité le désiraient. De l’extérieur, je reçus l’accomplissement jusqu’à la pleine satisfaction. »

Cette dévotion au Christ devrait avoir comme suite logique celle à la Bienheureuse Vierge Marie. Il y a effectivement dans la Lettre 12 un écho des homélies de saint Bernard : « C’est par elle (la Vierge) que la bien-aimée a commencé, qu’elle a fait descendre Dieu en elle-même. »[1] Mais le temps n’est pas encore venu d’une expression plus explicite de cette dévotion. Hadewijch en reste à l’exemplarité : l’âme fidèle a Marie pour exemplaire en ce qu’elle conçoit et fait renaître le Christ de sa propre humanité. C’est ce qu’exprime le Poème 14 de la deuxième série :
« Car c’est en l’humilité de Marie que descendit Dieu qui accorde la même grâce à ceux dont le cœur, avec amour, lui est donné : aux humbles, il ne refuse point sa présence.
L’âme visitée recevra Dieu et le portera comme une mère porte son enfant.
[…] Elle conçoit, comme Marie a conçu, et son humilité est rayonnante : la parole lui convient : ecce ancilla Domini »[2].
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[1] L’humilité de Marie lui donne un rôle causal dans l’Incarnation. Cf. saint Bernard (qui suit saint Augustin) : Super Missus est, hom. 1, n. 5.
[2] Traduction de R. Van de Plas.