LA FAMILLE en philosophie (6)
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On peut se demander si la Cité et l’État[1] devraient se préoccuper de la famille, du comportement sexuel des citoyens et plus généralement de la morale privée.
L’opinion qui prévaut aujourd’hui est que la famille relève de la sphère privée et que l’État n’a pas à s’y ingérer, quitte éventuellement à apporter une aide matérielle aux familles plus pauvres. De leur côté, les défenseurs de la famille tiendront pour sa primauté sur l’État et la Cité, présentant comme du totalitarisme toute ingérence de l’État dans la vie familiale. Il importe donc de bien saisir les rapports entre famille et Cité.
“La société domestique est première par rapport à la Cité”[2], répète-t-on.
Or, cela est vrai dans l’ordre de la génération, au sens où la partie précède le tout : la Cité provient des familles et celles-ci se rapportent aux besoins les plus fondamentaux de l’homme[3].
Mais la famille n’en est pas moins une partie de la Cité, et le principe de totalité - la primauté du tout sur la partie - vaut ici éminemment. Comme le dit saint Thomas :
Les familles ne vivent pas indépendamment les unes des autres et indépendamment de la Cité dont elles sont les parties. La Cité et les familles s’influencent réciproquement aux plans économique, moral, culturel, religieux. Il s’ensuit que les pratiques contraires à la fécondité et à l’unité de la famille, que l’on a dénoncées plus haut, et qui sembleraient dans un premier temps ne relever que de la vie privée, sont non seulement des ‘vices’ au sens où l’entend la morale privée qui ne regarde pas la Cité (et on doit ici se garder de tout jugement sur les personnes), mais encore au sens politique : ce sont des vices sociaux, c’est à dire des perturbations de la vie sociale.
Dans une société où ces vices sont légalisés depuis longtemps, l’interdiction en est rendue politiquement impossible : la loi est faite pour la plupart des hommes et non pas pour une minorité[5]. Une chose cependant est de tolérer le vice, autre chose de le promouvoir.
La première mesure politique à l’égard de la famille serait de lui restituer son… existence, tout simplement. À des détails près, la famille n’a plus d’existence politique et économique dans les États modernes ; ce sont les citoyens individuels qui jouissent des droits et des pouvoirs politiques et économiques.
La famille devrait être propriétaire en tant que telle, et non par l’intermédiaire de ses membres. C’est elle qui devrait intervenir en tant que telle en politique, en particulier dans les élections.
Cela suppose la reconnaissance de l’autorité du chef de famille, comme représentant politique de la famille et de ses membres, et comme habilité à prendre les décisions qui engagent la famille (alors que le droit actuel est fondé sur l’égalité - et donc l’indépendance - des conjoints à cet égard).
Cela implique aussi que les héritages passent premièrement de famille à famille, avant d’aboutir, éventuellement, à des personnes individuelles ; les droits de succession qui considèrent l’héritage comme un revenu sont injustes.
La protection de l’institution familiale implique aussi que l’État fasse la différence entre les familles véritables et les individus simplement accouplés temporairement et de manière instable, avec mesures politiques, économiques et fiscales à l’appui.
Quand on parle de protection et d’aide aux familles on ne voit bien souvent que les aides matérielles.
Or, l’intervention de l’État en la matière n’est pas de l’ordre de la charité et de la bienfaisance, mais de la stricte justice et du bien commun. Dans la mesure où la famille nombreuse concourt au bien commun politique, l’État se doit de la favoriser, sous forme diverses d’allocations ou d’autres facilités matérielles. Mais cet aspect n’est pas le plus important.
Car outre cela, L’État doit protéger l’ordre interne de la famille par la reconnaissance de l’autorité du chef de famille, laissant ouverte la possibilité d’une déchéance dans certains cas graves. Le rôle spécifique de la mère de famille doit être, lui aussi, reconnu et soutenu, politiquement et matériellement, de sorte que l’absence du foyer pour cause de travail ne nuise pas gravement à la famille et tende à devenir une exception. La vie économique devrait être réglée, non pas en fonction du profit capitaliste et de la rentabilité économique, mais de la vie complète des familles.
Par réaction contre les régimes totalitaires, on aurait tendance à donner toute la responsabilité de de l’éducation des enfants aux seules familles, l’école n’agissant alors que par délégation des parents ; on en viendrait volontiers à rejeter systématiquement toute tutelle de l’État.
Outre que cela est irréaliste, il ne faut pas méconnaître que c’est l’État qui est responsable de l’éducation politique, éducation qui inclut la transmission de la Civilisation, de la tradition propre à la Cité. Or, cette éducation est également inséparable de l’éducation morale, et même religieuse. Cela suppose évidemment un État gouverné selon les principes du droit naturel - confirmé par le droit chrétien. La famille elle-même est ordonnée au bien commun de la Cité, comme il a été dit plus haut.
La première éducation devant se dérouler dans la famille, crèches et écoles enfantines ne devraient être prévues que pour des cas spéciaux, suggérées par des nécessités particulières, et non pas généralisées et encore moins obligatoires !
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[1] Nous distinguons la Cité, communauté politique, et l’État, corps de l’administration et du gouvernement qui est le principe efficient de son unité.
[2] Éthique, Commentaire de saint Thomas, VIII, l.12, n. 1721.
[3] Éthique, Commentaire de saint Thomas, VIII, l.12, n. 1720.
[4] Somme Théologique, I-II, 90, a3, ad3.
[5] Somme Théologique, I-II, 96, a2-3.
Politique familiale
La famille et la Cité
On peut se demander si la Cité et l’État[1] devraient se préoccuper de la famille, du comportement sexuel des citoyens et plus généralement de la morale privée.
L’opinion qui prévaut aujourd’hui est que la famille relève de la sphère privée et que l’État n’a pas à s’y ingérer, quitte éventuellement à apporter une aide matérielle aux familles plus pauvres. De leur côté, les défenseurs de la famille tiendront pour sa primauté sur l’État et la Cité, présentant comme du totalitarisme toute ingérence de l’État dans la vie familiale. Il importe donc de bien saisir les rapports entre famille et Cité.
“La société domestique est première par rapport à la Cité”[2], répète-t-on.
Or, cela est vrai dans l’ordre de la génération, au sens où la partie précède le tout : la Cité provient des familles et celles-ci se rapportent aux besoins les plus fondamentaux de l’homme[3].
Mais la famille n’en est pas moins une partie de la Cité, et le principe de totalité - la primauté du tout sur la partie - vaut ici éminemment. Comme le dit saint Thomas :
« Si l'homme est partie d'une famille, la famille elle-même est partie de la société politique, et c'est cette dernière qui constitue la société parfaite, selon le livre I des Politiques [d’Aristote].Saint Augustin dit de même dans La Cité de Dieu, XIX, c. 16 :
C'est pourquoi, de même que le bien d'un seul individu n'est pas la fin ultime, mais est ordonné au bien commun ; de même encore le bien d'une famille est ordonné au bien de la Cité, qui est la société parfaite. »[4]
“Du moment donc que la famille est le germe et l’élément [de base] de la Cité, tout germe, tout commencement devant se rapporter à sa fin, et tout élément, toute partie à son tout, il est visible que la paix de la famille doit se rapporter à celle de la Cité, c’est-à-dire : l’accord du commandement et de l’obéissance parmi les membres de la même famille, à ce même accord parmi les membres de la même Cité. D’où il suit que le père de famille doit régler sur la loi de la Cité la conduite de sa maison, afin qu’il y ait accord entre la partie et le tout.”C’est précisément parce que le bien de la famille est ordonné au bien commun politique, que ce dernier requiert la sollicitude de l’État à l’égard des familles : le bien commun politique repose sur celui des familles. Ceci implique une politique familiale, une politique en faveur des familles, à l’opposé de celle des régimes totalitaires ou libéraux qui tendent soit à la remplacer, soit à la réduire à la sphère purement privée.
Les familles ne vivent pas indépendamment les unes des autres et indépendamment de la Cité dont elles sont les parties. La Cité et les familles s’influencent réciproquement aux plans économique, moral, culturel, religieux. Il s’ensuit que les pratiques contraires à la fécondité et à l’unité de la famille, que l’on a dénoncées plus haut, et qui sembleraient dans un premier temps ne relever que de la vie privée, sont non seulement des ‘vices’ au sens où l’entend la morale privée qui ne regarde pas la Cité (et on doit ici se garder de tout jugement sur les personnes), mais encore au sens politique : ce sont des vices sociaux, c’est à dire des perturbations de la vie sociale.
Dans une société où ces vices sont légalisés depuis longtemps, l’interdiction en est rendue politiquement impossible : la loi est faite pour la plupart des hommes et non pas pour une minorité[5]. Une chose cependant est de tolérer le vice, autre chose de le promouvoir.
Reconnaissance du statut politique et économique de la famille
La première mesure politique à l’égard de la famille serait de lui restituer son… existence, tout simplement. À des détails près, la famille n’a plus d’existence politique et économique dans les États modernes ; ce sont les citoyens individuels qui jouissent des droits et des pouvoirs politiques et économiques.
La famille devrait être propriétaire en tant que telle, et non par l’intermédiaire de ses membres. C’est elle qui devrait intervenir en tant que telle en politique, en particulier dans les élections.
Cela suppose la reconnaissance de l’autorité du chef de famille, comme représentant politique de la famille et de ses membres, et comme habilité à prendre les décisions qui engagent la famille (alors que le droit actuel est fondé sur l’égalité - et donc l’indépendance - des conjoints à cet égard).
Cela implique aussi que les héritages passent premièrement de famille à famille, avant d’aboutir, éventuellement, à des personnes individuelles ; les droits de succession qui considèrent l’héritage comme un revenu sont injustes.
La protection de l’institution familiale implique aussi que l’État fasse la différence entre les familles véritables et les individus simplement accouplés temporairement et de manière instable, avec mesures politiques, économiques et fiscales à l’appui.
Protection de la famille
Quand on parle de protection et d’aide aux familles on ne voit bien souvent que les aides matérielles.
Or, l’intervention de l’État en la matière n’est pas de l’ordre de la charité et de la bienfaisance, mais de la stricte justice et du bien commun. Dans la mesure où la famille nombreuse concourt au bien commun politique, l’État se doit de la favoriser, sous forme diverses d’allocations ou d’autres facilités matérielles. Mais cet aspect n’est pas le plus important.
Car outre cela, L’État doit protéger l’ordre interne de la famille par la reconnaissance de l’autorité du chef de famille, laissant ouverte la possibilité d’une déchéance dans certains cas graves. Le rôle spécifique de la mère de famille doit être, lui aussi, reconnu et soutenu, politiquement et matériellement, de sorte que l’absence du foyer pour cause de travail ne nuise pas gravement à la famille et tende à devenir une exception. La vie économique devrait être réglée, non pas en fonction du profit capitaliste et de la rentabilité économique, mais de la vie complète des familles.
Éducation
Par réaction contre les régimes totalitaires, on aurait tendance à donner toute la responsabilité de de l’éducation des enfants aux seules familles, l’école n’agissant alors que par délégation des parents ; on en viendrait volontiers à rejeter systématiquement toute tutelle de l’État.
Outre que cela est irréaliste, il ne faut pas méconnaître que c’est l’État qui est responsable de l’éducation politique, éducation qui inclut la transmission de la Civilisation, de la tradition propre à la Cité. Or, cette éducation est également inséparable de l’éducation morale, et même religieuse. Cela suppose évidemment un État gouverné selon les principes du droit naturel - confirmé par le droit chrétien. La famille elle-même est ordonnée au bien commun de la Cité, comme il a été dit plus haut.
La première éducation devant se dérouler dans la famille, crèches et écoles enfantines ne devraient être prévues que pour des cas spéciaux, suggérées par des nécessités particulières, et non pas généralisées et encore moins obligatoires !
Lire la suite ...
[1] Nous distinguons la Cité, communauté politique, et l’État, corps de l’administration et du gouvernement qui est le principe efficient de son unité.
[2] Éthique, Commentaire de saint Thomas, VIII, l.12, n. 1721.
[3] Éthique, Commentaire de saint Thomas, VIII, l.12, n. 1720.
[4] Somme Théologique, I-II, 90, a3, ad3.
[5] Somme Théologique, I-II, 96, a2-3.