Illustrations dramatiques...

Le DE REGNO de saint Thomas d'Aquin a été écrit au XIIIe siècle : les lignes sur les conditions du territoire de la Cité peuvent surprendre sous la plume d'un Docteur connu spécialement pour sa pénétration métaphysique. Il est aisé de montrer qu'aujourd'hui encore, elles n’ont rien perdu de leur actualité.

Il est aisé de voir - hélas par contraste - à quel point la doctrine politique et économique de saint Thomas d'Aquin mérite d'être approfondie : elle peut fournir la clé de beaucoup de problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.

Voici une illustration tirée du domaine de l'agro-alimentaire.

La mondialisation du commerce des denrées alimentaires, soutenue par l’industrialisation systématique de l’agriculture et chapeauté par le monopole écrasant des trusts de grande distribution, entraîne la détérioration de la vie des agriculteurs, les conduisant à exploiter - parfois jusqu'à détruire - leur environnement naturel, et les absorbant dans l’administratif.
De nos jours, les multinationales imposent les espèces de fruits, légumes et céréales jugées rentables, les matières premières n'ayant de valeur que relativement à des produits de marché hautement sélectionnés... Pour ne rien dire des marchandises d'origine animale...
Moralement comme matériellement, la paysannerie est anéantie : tel est l'objet d'une récente recension publiée sur le site Cantal Patrimoine et intitulée "Exploration d’un monde paysan à l’agonie".

« L’industrialisation imposée, la logique comptable, la technicisation des procédures, la mainmise de l’administration s’y révèlent dans toute leur horreur et leur inhumanité. Ce rêve fou de rentabilité et de rationalisation, qui cherche à s’imposer partout, quels que soient les dégâts qu’il a déjà occasionnés et qu’il continue à faire, nous conduit tout droit vers une catastrophe qui est loin de n’être qu’écologique. J’irai plus loin : même en imaginant que la prodigieuse inventivité humaine parvienne à maintenir ce productivisme en cessant de nuire à l’environnement, comme, après tout, cela reste possible, ce processus n’en détruira pas moins ce qu’il peut surnager de sociabilité, de décence et de bienveillance dans notre société. On pleure la mort des ours polaires, des papillons et de l’air pur, avec raison, sans voir que c’est la mort de ce qui fait l’intérêt de vivre qui est d’abord en jeu. À quoi bon vivre, si plus rien n’a de sens ? Le combat le plus urgent, le plus fondamental, n’est pas contre la pollution. Encore une fois, le monde qui est le nôtre présentement, le même exactement, qui continuerait à suivre cette pente, mais sans pollution, n’en serait pas moins irrespirable. Il s’agit de savoir ce qui mérite d’être entretenu avec amour, ce qui ne peut sous aucun prétexte passer par pertes et profits au nom du « progrès ». Le monde paysan, et la campagne qu’il rend possible, font incontestablement partie de ce socle à préserver ou à restaurer. »

Pierre Moulier, Exploration d’un monde paysan à l’agonie, (extrait)